
Chapitre 8 – Après le déjeuner
Paris finissait de pleuvoir quand Vanessa quitta Il Bellini.
Elle n’avait rien mangé ou presque. Elle n’avait pas bu la moitié de son verre. Elle n’avait pas ri vraiment. Elle avait passé une heure entière à s’excuser : “pardon, je dois répondre”, “désolée, c’est urgent”, “juste trente secondes”.
Et, fait rare chez elle, elle se sentait… observée mais pas jugée.
Elle savait très bien comment les autres la voient d’habitude.
Pour beaucoup, Vanessa Duval est “la pénaliste de 32 ans qui fait peur au parquet”, celle qui arrive en jean noir froissé à 7 h du matin au dépôt, qui pose une main sur l’épaule d’un gamin de dix-neuf ans en garde à vue et qui fixe le flic de permanence comme on fixe une caméra de surveillance. On raconte qu’elle plaide comme si on lui avait volé quelque chose la veille.
Mais là, elle ne sortait pas d’un commissariat. Elle sortait d’un déjeuner.
Et elle venait, sans l’avoir voulu, de se prendre un miroir en plein visage.
Un homme, Jonathan, inconnu deux heures plus tôt, avait articulé à voix haute ce qu’elle n’avait jamais voulu formuler : sa façon de travailler n’était pas du courage. C’était du manque d’oxygène.
Il ne lui a pas dit “vous êtes débordée”. Il lui a dit pire, et plus juste :
“Vous êtes en train de mourir étouffée en plein jour.”
Elle marcha vite en direction de la place du Palais-Bourbon, comme si elle fuyait une scène de crime.
Son téléphone vibrait encore.
Trois nouveaux appels manqués.
Elle ouvrit l’historique.
Son estomac se serra :
— une mère paniquée (“ma fille a été arrêtée au centre commercial, ils disent vol aggravé, je comprends rien”);
— un juge d’instruction (“Maître, besoin de fixer une date pour une confrontation, URGENT”);
— et l’attachée d’un journaliste judiciaire (“BFM veut vous avoir à l’antenne ce soir pour commenter les violences à Nanterre, c’est possible ?”).
Elle pensa à voix haute, seule dans la rue :
— C’est ça ma vie.
Et elle sut à ce moment précis — pas avant, pas pendant le risotto, pas quand les clémentines avaient roulé au sol — mais là, dans ce mélange de pluie parisienne et de tension dans la nuque :
Si elle continue comme ça, elle finit éclatée avant 40 ans.
Pas par un burnout romantique, pas par une crise de larmes filmée en noir et blanc.
Par bête asphyxie.
Par manque d’air.
Par appels.
Elle écrivit alors, à Jonathan, un message qu’elle n’avait jamais écrit à personne après une première rencontre :
“Explique-moi. Je t’écoute.”
Pas de “merci”.
Pas d’émoji.
Pas de séduction.
Juste : “Explique-moi.”
Le début du glissement.
Chapitre 9 – Le plan invisible
Jonathan reçut le message à 15 h 12.
Il sourit.
Pas un sourire de conquête. Un sourire d’ingénieur qui voit une porte technique s’ouvrir enfin.
Il répondit immédiatement, sans fioriture :
“Dis-moi ce que tu crains le plus en ce moment.”
Elle répondit dans la minute :
“Rater un appel client que je ne peux pas me permettre de rater.”
Ça, pensa-t-il, tout avocat l’a déjà dit au moins une fois — mais très peu l’avouent franchement. Et pratiquement aucun pénaliste.
Il la rappela.
— Tu veux que je te dise la phrase que j’entends le plus depuis 20 ans ? dit-il sans préambule.
— Vas-y, répondit-elle.
— “Comment ne plus rater d’appels clients avocats.”
— …
— C’est toujours comme ça qu’ils commencent. Pas “comment gagner du temps”. Pas “comment améliorer mon cabinet”. Non : “comment ne plus rater d’appels clients”. Parce que dans ta tête, une sonnerie = une vie.
— Oui, dit-elle.
Sa voix avait baissé.
— Et parfois c’est vrai, ajouta-t-il doucement. Parfois, une sonnerie, c’est une vie.
Silence au bout du fil.
Pas parce qu’elle était gênée. Parce qu’elle venait de se sentir comprise, à l’os.
Jonathan reprit :
— Je vais te dire ce que tu vis, Vanessa. Ce n’est pas un problème d’agenda. Ce n’est pas “je suis dépassée aujourd’hui, ça ira mieux demain”. C’est structurel. C’est l’architecture entière de ton quotidien qui est en train de saboter ta tête.
Elle ne répondit pas mais il savait qu’elle écoutait. C’est l’intonation du souffle. Il a l’oreille pour ça.
— Aujourd’hui, tu fais toi-même trois choses qui ne devraient jamais reposer sur la même personne, continua-t-il.
Un : tu es l’avocate pénaliste qui plaide, conseille, rassure.
Deux : tu es la standardiste qui répond à la première sonnerie à n’importe qui.
Trois : tu es la secrétaire qui cale les horaires d’audience, prend les rendez-vous, rappelle les clients.
— Oui et ? fit-elle, un peu sèche.
— Et c’est intenable. Tu ne peux pas, à 11 h 43 du matin, chercher une argumentation pour un renvoi tout en expliquant au téléphone à une mère paniquée dans quelle zone du commissariat il faut qu’elle attende son fils sans hurler.
— Je le fais pourtant, répliqua-t-elle.
— Oui. Et c’est pour ça que tu trembles quand tu bois un café maintenant. Tu le remarques pas, mais je l’ai vu.
Elle se figea.
Elle ne s’était pas rendu compte que quelqu’un avait remarqué ça.
Il enchaîna, plus bas, presque tendre :
— C’est précisément là que le secrétariat avocat entre en jeu.
Elle eut un petit rire sec.
— Ça y est, tu me vends ton truc.
— Je ne te vends rien, dit-il. Je te décris la corde sur laquelle tu es suspendue depuis deux ans.
Elle se tut.
Puis, très calmement :
— Parle.
Et il parla.
Chapitre 10 – Trois mondes qui ne se parlent pas
Jonathan n’a jamais été un commercial. Il déteste ce mot. C’est un technicien sentimental. Ce jour-là, il sortit sa version la plus claire.
— Tu sais comment je résume mon travail quand on me demande ce que je fais dans la vie ?
— Dis.
— “J’orchestre le calme pour les autres.”
Elle souffla du nez, presque amusée.
— C’est prétentieux.
— Oui, admit-il. Mais c’est vrai.
Alors il déroula.
— Ce que je propose aux avocats pénalistes comme toi, ce n’est pas une assistante en plus. C’est un système. Appelle ça comme tu veux : secrétariat téléphonique avocat, secrétariat à distance avocat, secrétariat externalisé avocat. Forme différente, même idée.
— C’est quoi la différence ?
— Aucune pour toi. En coulisses, plein. Mais en pratique, tu sens juste ça :
• plus personne n’appelle ton portable perso en panique à midi vingt-deux pendant que tu manges ;
• plus personne ne t’envoie un “URGENT !!!” sans qu’on ait filtré d’abord ce qui est vraiment urgent ;
• plus personne ne t’oblige à dire “attendez je cherche un créneau” dans un couloir du Palais de justice alors que t’as encore la robe sur le dos.
Elle se laissa tomber contre un mur, quelque part sous les arcades de l’Assemblée.
— Continue.
— Je vais être brutal, Vanessa. Tu n’as pas besoin d’être atteignable. Tu as besoin d’être fiable.
Elle resta silencieuse.
Jonathan sentit que la phrase avait fait mouche.
Il reprit, plus posé :
— Voilà comment ça marche. Tu as une équipe de secrétariat externalisé avocat formée au vocabulaire pénal, qui répond pour toi. C’est de la réception d’appels avocats mais intelligente, pas du perroquet.
Ils savent faire la différence entre :
1. “mon fils est en garde à vue maintenant au commissariat, on m’a dit d’appeler une avocate” → ça, on te le fait remonter tout de suite.
2. “j’aimerais savoir si vous pouvez m’aider pour une histoire de plainte d’il y a trois ans” → ça, on fixe un rendez-vous sans te déranger.
3. “mon beau-frère veut un devis pour son divorce” → ça, on l’oriente ailleurs.
Elle ferma les yeux.
Elle imaginait.
Elle voyait littéralement les couches de bruit se retirer autour d’elle.
— Attends, dit-elle lentement.
Tu veux dire que quelqu’un décrocherait à ma place et… parlerait comme si c’était mon cabinet ?
— Exactement.
— Et c’est pas… moche ?
— C’est élégant quand c’est bien fait, répondit-il. Et c’est fait pour. C’est pas un centre d’appels. C’est du vrai secrétariat avocat, pensé pour les cabinets où le téléphone ne s’arrête jamais.
Elle reprit, méfiante :
— Et pour les rendez-vous ?
— Gestion des rendez-vous cabinet d’avocats.
— C’est-à-dire ?
— Tu ne passes plus ta vie à dire “attendez, mardi je suis en garde à vue le matin, mercredi j’ai dépôt, jeudi j’ai préventive…” On le gère. Tout.
On cale.
On confirme.
On rappelle.
On dit “Maître Duval vous recevra jeudi à 17h30 au cabinet”.
Toi, tu vois juste les créneaux remplis, sans avoir eu à les négocier à voix haute entre deux portes et une bouche sèche.
Vanessa ouvrit les yeux.
— Tu viens de décrire 70% de ma souffrance.
— J’y ai passé 20 ans, répondit tranquillement Jonathan.
Je les ai tous vus tomber. Les brillants, les arrogants, les trop gentils, les épuisés.
Toujours la même histoire :
d’abord on dit “ça va, je gère”,
ensuite “je dors mal, mais ça va”,
et puis un jour tu hurles sur une greffière à 8h12 du matin pour rien, ou tu pleures dans la galerie du Tribunal sans comprendre pourquoi, ou tu fais tomber des clémentines dans un resto italien chic.
Elle sourit malgré elle.
— Tu vas me garder cette histoire longtemps, hein ?
— Je vais en faire un blason, dit-il. C’était héroïque.
Elle rit franchement cette fois. Son premier vrai rire de la journée.
Puis, plus bas :
— Et pour les vacances ?
Il attendait cette question.
C’est toujours là que ça bascule.
— Tu veux dire : “Comment remplacer ma secrétaire pendant congés avocats sans que tout s’effondre en mon absence” ?
— Oui.
— Réponse simple : tu ne remplaces pas une personne. Tu remplaces une fonction.
Une équipe prend le relais temporairement.
Sans drame. Sans “allo Maître désolée de vous déranger mais il faut qu’on imprime le truc violet pour l’audience de demain”.
Tu pars deux jours. Trois. Une semaine.
Ton cabinet ne devient pas une zone sinistrée.
Elle soupira.
Long.
Très long.
Pas un soupir de fatigue.
Un soupir de soulagement anticipé.
— Tu viens de décrire quelque chose que je n’ai pas connu depuis que je porte la robe, dit-elle.
— Le silence ?
— Le silence.
Chapitre 11 – La première nuit sans téléphone
Elle essaya le soir même.
C’était un test brutal, presque violent pour elle :
à 20h45, Vanessa a posé son téléphone face contre table.
Elle s’est versé un verre d’eau.
Elle a respiré.
Elle avait prévenu Jonathan :
“Si ça explose, je t’appelle à minuit pour t’insulter.”
“Je répondrai”, avait-il promis.
Elle avait prévenu sa “cellule” (c’est ainsi que Jonathan lui avait présenté l’équipe de secrétariat à distance avocat, une vraie équipe formée au pénal, capable d’écouter sans paniquer) :
“J’ai audience demain 9h. Filtrez-moi les urgences réelles. Pas le reste.”
Puis, pour la première fois depuis la prestation de serment, elle a passé une soirée entière sans décrocher.
Elle n’a pas répondu aux “Maître c’est urgent il faut qu’on voie ça avant demain matin svp je dors pas”.
Elle n’a pas géré l’hystérie du client jaloux qui veut “juste cinq minutes pour comprendre”.
Elle n’a pas rappelé le journaliste qui insiste.
Elle n’a pas parlé à trois personnes en même temps dans son couloir en chaussettes, à moitié maquillée, à moitié lessivée.
On l’a fait pour elle.
Le secrétariat téléphonique avocat — elle n’aimait pas encore le terme, trop froid, trop administratif — avait pris les coups à sa place.
Mieux : avait noté tout ce qui comptait et trié ce qui pouvait attendre.
À 22h00, elle envoya à Jonathan :
“Je suis vivante. Ou morte. Je sais pas. C’est calme, c’est bizarre. J’entends mon frigo pour la première fois. C’est quoi ce truc.”
Il répondit :
“Ça s’appelle avoir une vie.”
Elle relut la phrase plusieurs fois.
Elle la trouva presque insolente.
Puis elle sourit.
Chapitre 12 – Les audiences changent quand on dort
Le lendemain, à l’audience, quelque chose d’étrange arriva.
Vanessa parla moins fort.
Elle n’avait pas perdu sa puissance. Elle avait perdu l’urgence désespérée.
Ses phrases étaient plus droites, plus courtes.
Elle n’expliquait plus en s’épuisant. Elle déposait.
Comme on dépose des pièces numérotées, une par une, sans pathos inutile.
Le substitut du procureur la regarda un instant, surpris.
Il n’avait pas l’habitude de ce ton-là venant d’elle.
À la suspension, un prévenu qu’elle défendait lui prit la main :
— Maître… vous êtes… calme aujourd’hui.
— Ça t’inquiète ? dit-elle, demi-sourire.
— Non. Ça me rassure.
Et c’est là que Vanessa a compris le truc que Jonathan essaie d’expliquer depuis Dauphine, depuis 2000, depuis sa passion pour les réseaux, pour le tir couché du biathlon, pour les architectures invisibles :
Le calme, c’est pas pour elle.
C’est pour eux.
Sa voix, ce matin-là, appartenait à quelqu’un d’autre.
À un type en garde à vue.
À une mère paniquée.
À un gamin qui jouait sa liberté à 22 ans.
Si elle est lessivée, nerveuse, épuisée, hystérique, elle leur donne quoi ?
Du chaos.
Si elle est calme, posée, tenue, elle leur donne quoi ?
Un abri.
Et ce calme-là, objectivement, venait du fait que quelqu’un avait tenu sa ligne pendant la nuit.
Une ligne, au sens strict.
La ligne téléphonique.
Chapitre 13 – Les drames ne sont plus des urgences commerciales
Trois jours plus tard, elle reçut un mail de sa “cellule” — le fameux secrétariat externalisé avocat que Jonathan lui avait branché à l’essai.
Objet :
“Points importants – à traiter en priorité / le reste peut attendre lundi”
Le mail était d’une clarté chirurgicale.
1. Garde à vue ce matin à 7h45 – commissariat du 12e : situation stable, mère calme, demande rappel à 9h30.
2. Journaliste BFM : propose duplex lundi, pas urgent.
3. Client X : veut “parler à Vanessa PERSONNELLEMENT TOUT DE SUITE” (majuscule dans son message vocale). Peut attendre demain.
4. Greffe juge d’instruction : besoin de fixer date pour une confrontation. IMPORTANT. À rappeler avant midi.
Vanessa est restée figée devant l’écran, presque émue.
Elle venait de lire ce qu’elle rêvait d’entendre depuis trois ans :
ce qui est IMPORTANT, ce qui est URGENT, ce qui est du BRUIT.
C’était ça, en vérité, la solution pour ne plus rater d’appels téléphoniques avocat :
pas juste répondre, mais hiérarchiser.
Et c’était ça, pour la première fois, la vraie gestion des appels cabinet d’avocats — pas faire le standard, mais protéger la tête de celui qui plaide.
Elle remercia le ciel, le café, la pluie, puis tapa à Jonathan :
“Je crois que j’ai dormi 6h30. Six heures trente. Je ne savais pas que c’était légal.”
Il répondit :
“Raconte-moi la plaidoirie.”
Et elle comprit :
le gars ne cherchait pas à lui vendre un service.
Le gars cherchait à la remettre debout.
Chapitre 14 – Le moment où ça bascule
Le lundi suivant, elle entra de nouveau chez Il Bellini.
Même lumière.
Même odeur d’huile d’olive chaude.
Même serveur.
Jonathan était déjà là, carnet Moleskine ouvert, comme si rien ne l’étonnait jamais.
Elle arriva sans s’excuser.
Sans souffler.
Sans décrocher son téléphone entre deux phrases.
Il remarqua.
Il remarquait toujours.
— Tu ne vibres pas, fit-il remarquer avec un demi-sourire.
— Je vibre à l’intérieur, répondit-elle.
— Ça, j’avais déjà noté.
Elle rit, franchement.
C’était nouveau.
Ils s’assirent.
— Alors ? fit Jonathan.
— Alors, dit Vanessa, je vais te dire quelque chose que je n’ai jamais dit à personne :
Je me suis surprise à parler doucement à un prévenu.
Il leva un sourcil.
— Et tu trouves ça grave ?
— Je trouve ça dangereux. Si je deviens douce, où va le monde ?
Il la regarda longuement, amusé, presque fier.
— Ce n’est pas de la douceur. C’est du contrôle.
Vanessa se versa de l’eau.
— Et tu veux que je te dise le plus fou ?
— Dis-moi.
— J’ai eu le temps hier de m’acheter des clémentines.
Elle le fixa.
— Pas sur le pouce. Pas entre deux portes. Pas dans un taxi à moitié garé en double file. J’ai marché. J’ai choisi. J’ai pris celles qui sentaient le soleil.
Elle baissa les yeux sur sa main.
— Je crois que je ne m’étais pas offert ça depuis des années.
Il sourit.
— Voilà.
— Voilà quoi ?
— Voilà ce que tu avais oublié, dit-il.
Ce n’est pas “dormir” le luxe.
C’est choisir tes propres clémentines.
Elle éclata de rire.
Un vrai rire, presque trop fort pour ce restaurant trop sage du 7e.
Le serveur en tomba presque sa carafe.
Chapitre 15 – Le message
Plus tard, beaucoup plus tard, quand tout cela serait devenu banal, quand le secrétariat externalisé avocat ferait partie du décor du cabinet Duval comme la Nespresso et les codes d’audience, elle enverrait un dernier message à Jonathan.
Un message court.
Pas un roman.
Pas une plaidoirie.
Pas une plainte.
Juste ça :
« J’ai plaidé deux heures sans mon portable sur la table.
Ma cliente m’a dit en sortant :
“Je vous ai sentie là. Vraiment là.”
Je crois que c’est ça, être avocate.
Merci. »
Puis, sur une seconde ligne, sans ponctuation, sans signature, sans défense :
Jonathan garda le message longtemps.
Il ne répondit pas tout de suite — par respect, presque par superstition.
Il pensa à Dauphine en 2000.
À la politique hollandaise qu’il était le seul à lire vraiment.
Au biathlon, à ces athlètes qui skient jusqu’à l’épuisement puis doivent tirer, immobiles, sans trembler.
Au sang-froid comme dernier luxe.
Il pensa à Vanessa.
À sa voix plus posée.
À son calme retrouvé.
Au fait qu’elle avait enfin, pour la première fois, le droit d’exister sans justification.
Et il se dit, en rangeant son carnet :
C’est pour ça que je fais ce métier.
Pas pour les lignes.
Pas pour les logiciels.
Pas pour l’optimisation.
Pour ça : Remettre quelqu’un dans sa propre vie.






